J’ai grandi dans une maison peuplée de fantômes et de musique dans la magnifique campagne de l’Allier. Mes meilleurs amis ont longtemps été les chats, les chiens, les lapins et les veaux de la ferme, le marronnier qui trônait dans la cour et veillait sur moi, le sumac où je me réfugiais quand ma mère m’appelait pour mettre la table, l’ombrage du frêne pleureur. Là, j’ai vu le cycle de la vie, ce qu’était naître, ce qu’était tuer, être mort. Enfant, lorsque mon père m’emmenait avec lui en forêt et que j’étais fatiguée, il me faisait m’adosser à un chêne, les paumes contre son écorce pour prendre son énergie et celle de la Terre. La nature n’a jamais cessé d’être une amie vivante pour moi.
Après des études littéraires, j’ai commencé à travailler pour l’industrie du disque. De fil en aiguille, j’ai été chargée – entre autres – de la création de l’univers visuel des nouvelles pièces musicales des artistes dont je m’occupais. C’est ainsi que j’ai été en contact avec la création visuelle et des artistes formidables parmi lesquels Juliette Gréco, Zazie, Phil Barney, toutes les chanteuses du Mystère des Voix Bulgares, et l’homme dont je partage la vie.
Un bref passage par la chaîne Voyage, où j’assurais la rubrique culture, m’a permis d’apprendre que les Aborigènes d’Australie peignaient leurs rêves comme s’ils étaient à plat ventre dans le ciel, et de me rendre compte que je me sentais inutile parce que je ne créais pas.

Alors je me suis mise à peindre (en conservant un point de vue horizontal), à écrire, à travailler sur des scénographies de spectacles musicaux et me laisser porter par mon imagination. Depuis je ne cesse de créer.

Parallèlement, la culture de l’Inde travaillait en moi. Le sitar de Ravi Shankar à l’adolescence et la voix de Najma Akhtar sur Radio Nova avaient ouvert un champ extraordinaire de sonorités et de vibrations, le premier chapitre des mythes et dieux de l’Inde d’Alain Danielou sur la nature de l’Absolu m’avaient ouvert l’esprit, le Yoga et le Baratha Natyam structuraient mon corps et mon esprit.
Lors de mon deuxième voyage en Inde, arrivée de Calcutta à Varanasi malade, je suis allée prendre un cours de Yoga. Le professeur me dit alors « You’re a teacher ? » « I’m not ». « You’re a teacher ! » « No, I’m not ! ». « You’re a teacher. ». À cette époque, mon professeur de Paris répétait un mantra « je ne suis pas éternelle ». Grâce à cette heure passée au dessus du Gange, je n’avais plus mal au ventre, et je me suis rendue compte que si je souhaitais que ces bienfaits du Yoga continuent à être distribués, c’était à moi de prendre le relais. En rentrant en France, je me suis inscrite à la formation de la Fédération Française de Hatha Yoga.
Ceci explique la variété de mes créations et de mes activités.
Que tous nos dons puissent être mis en lumière
et s’incarner dans la matière,
nourris par notre travail, notre patience, notre amour ;
qu’ils éclairent notre vie et celles des autres ;
telle pourrait être la prière de chaque être humain, telle est la mienne.
Emma Chedid